Les chauves-souris, alliées naturelles dans la lutte contre les moustiques tigres
Avec la progression rapide du moustique tigre (Aedes albopictus) dans les zones urbaines françaises, la recherche de méthodes alternatives, écologiques et durables pour limiter sa prolifération est devenue une priorité. Parmi les pistes explorées figure une idée originale : utiliser les chauves-souris, prédateurs nocturnes réputés pour leur consommation importante d’insectes, comme solution naturelle pour réduire les populations de moustiques. Mais cette proposition peut-elle vraiment fonctionner ? Les chauves-souris peuvent-elles être entraînées à cibler spécifiquement les moustiques tigres dans un contexte urbain ?
Comprendre le comportement des moustiques tigres et des chauves-souris
Avant d’envisager une cohabitation stratégique, il est essentiel de comprendre le comportement respectif des moustiques tigres et des chauves-souris. Le moustique tigre est diurne. Il pique essentiellement pendant la journée, avec une activité accrue tôt le matin et en fin d’après-midi. Sa capacité à transmettre des maladies comme la dengue, le chikungunya ou le virus Zika en fait un véritable problème de santé publique.
Les chauves-souris, quant à elles, sont principalement actives la nuit. Leur alimentation est très variée : certaines espèces consomment des papillons de nuit, des scarabées, des mouches… et oui, des moustiques également. Une chauve-souris insectivore peut, selon certaines études, manger entre 500 et 1000 insectes par heure. Toutefois, ceux-ci sont majoritairement actifs la nuit, comme leurs prédateurs.
Une incompatibilité temporelle entre chauves-souris et moustiques tigres
Le principal obstacle à l’idée d’utiliser les chauves-souris pour lutter contre les moustiques tigres est donc temporel. Les chauves-souris chassent la nuit, alors que les moustiques tigres sont actifs le jour. De ce fait, même si les chauves-souris consomment des moustiques dans leur régime alimentaire, elles ont peu de chances de croiser des moustiques tigres en quête de sang humain.
La question de « l’entraînement » des chauves-souris à cibler des proies spécifiques devient alors quasiment sans objet. Ces mammifères volants utilisent l’écholocation pour localiser leurs proies, en se basant sur le mouvement et les caractéristiques acoustiques. Il est extrêmement difficile — voire impossible — d’ »entraîner » une chauve-souris à changer ses schémas de chasse naturels ou à se nourrir exclusivement de moustiques tigres, surtout en l’absence de ceux-ci pendant leurs heures d’activité.
Les expériences passées de lutte biologique avec les chauves-souris
Dans certaines régions du monde, les chauves-souris ont déjà été utilisées comme solution biologique pour réduire les populations d’insectes. Aux États-Unis, par exemple, il n’est pas rare de voir des abris à chauves-souris installés dans des zones agricoles pour aider à la régulation des populations d’insectes nuisibles. Ces initiatives ont montré que ces mammifères peuvent jouer un rôle de régulateur écologique, notamment pour les insectes nocturnes.
En France, les refuges pour chauves-souris se multiplient dans les zones rurales ou périurbaines. Les espèces locales, comme la Pipistrelle commune ou la Sérotine commune, y trouvent un refuge face à la disparition de leurs habitats naturels. Leur rôle dans le contrôle des populations de moustiques nocturnes est bien admis dans le domaine scientifique, mais leur efficacité spécifique contre le moustique tigre reste à démontrer.
Installer des abris à chauves-souris en ville : une fausse bonne idée ?
Sur le papier, installer des nichoirs ou abris à chauves-souris dans les jardins urbains et les parcs semble être une idée séduisante. Cela favorise la biodiversité et soutient une espèce en déclin. Toutefois, dans le cadre de la lutte contre le moustique tigre, cela présente des limites importantes. Il serait plus utile contre d’autres espèces de moustiques nocturnes, ou des insectes nuisibles pour l’agriculture urbaine qu’en tant qu’outil de lutte active contre Aedes albopictus.
Il faut également noter que l’accueil de chauves-souris en milieu urbain nécessite des précautions sanitaires et logistiques. Bien qu’elles soient inoffensives pour l’homme dans la grande majorité des cas, les chauves-souris peuvent être porteuses de certaines maladies comme la rage (extrêmement rare en France, mais non négligeable). Leur cohabitation avec l’homme demande donc une surveillance encadrée par des professionnels de la faune sauvage.
Des solutions complémentaires pour lutter contre le moustique tigre
Si les chauves-souris ne constituent pas une solution miracle contre le moustique tigre, elles peuvent néanmoins faire partie d’une stratégie plus large de lutte intégrée. Pour véritablement limiter la population de moustiques tigres, il faut combiner plusieurs approches :
- Suppression des gîtes larvaires : éliminer l’eau stagnante dans les jardins, les gouttières, les pots de fleurs ou les couvercles retournés est le moyen le plus efficace.
- Utilisation de répulsifs naturels ou chimiques : huiles essentielles (citronnelle, géranium, eucalyptus citronné), sprays, bracelets.
- Moustiquaires et pièges : installer des barrières physiques autour des habitations et utiliser des pièges à CO2 ou lumières UV pour capturer les moustiques adultes.
- Solutions de biocontrôle : introduction de poissons mangeurs de larves (comme le gambusie), ou utilisation de bactéries comme Bacillus thuringiensis israelensis (BTI).
La sensibilisation des citoyens est également primordiale : les villes françaises adoptent de plus en plus de campagnes d’information sur les bons gestes à adopter, notamment lors de périodes de pic d’activité estivale.
Intégrer les chauves-souris dans une approche écologique globale
Plutôt que de vouloir entraîner les chauves-souris à poursuivre un rôle impossible contre les moustiques tigres, leur intégration dans les écosystèmes urbains pourrait avoir d’autres bénéfices. Ces animaux jouent un rôle fondamental dans la pollinisation de certaines plantes, et bien sûr, dans la régulation des populations d’insectes nocturnes. Soutenir leur présence dans nos villes, via des politiques écologiques urbaines et en protégeant leurs habitats naturels, participe à une démarche de biodiversité bénéfique à long terme.
La lutte contre les moustiques tigres en zones urbaines repose avant tout sur la prévention, la connaissance des cycles de vie de l’insecte et la mise en œuvre de stratégies de biocontrôle pertinentes. Les chauves-souris, bien qu’utiles dans d’autres champs de la lutte anti-insectes, ne sont pas les prédateurs adaptés aux rythmes et habitudes du moustique tigre.

